Succession du pape François : les réponses de la rédaction à vos questions sur le conclave

Le conclave pour élire le nouveau pape débute ce mercredi 7 mai 2025. Les 133 cardinaux électeurs vont se réunir dans la Chapelle Sixtine. Posez vos questions, la rédaction y répond à partir de 10 heures.
Le conclave pour élire le nouveau pape débute ce mercredi 7 mai 2025. Les 133 cardinaux électeurs vont se réunir dans la Chapelle Sixtine. Posez vos questions, la rédaction y répond à partir de 10 heures. OSSERVATORE ROMANO / AFP
Vous êtes nombreux à nous envoyer vos questions sur l’élection du nouveau pape. Déroulement du conclave, cardinaux, secret du vote… Les journalistes de La Croix Nicolas Senèze et Arnaud Alibert ont répondu mercredi 7 mai 2025 à vos interrogations, pour vous aider à comprendre cet événement historique.

Alors que débute, mercredi 7 mai, le conclave qui devra élire le successeur du pape François, la rédaction s’est mobilisée pour vous aider à comprendre ce moment historique. Nicolas Senèze, journaliste de La Croix, ancien envoyé spécial permanent au Vatican (2016-2020) et Arnaud Alibert, rédacteur en chef ont répondu à vos questions.

Camille nous interroge sur la durée maximum d’un conclave ?

Aucune durée maximale n’est fixée pour le conclave. Dans Universi Dominici gregis, Jean-Paul II a prescrit que, si les cardinaux ne s’accordaient au bout de trois jours, le conclave s’arrêtait « au maximum une journée » pour un temps d’échange et de réflexion.

Les cardinaux reprennent ensuite les votes et s’arrêtent à nouveau près sept scrutins infructueux. Cette alternance entre les temps d’échange peut durer trois fois, soit, au total, au maximum 12 jours.

Après cela, seuls les deux cardinaux ayant obtenu le plus grand nombre de voix au dernier scrutin (soit tout de même le trentième…) sont éligibles, l’élu devant obtenir les deux tiers voix. En théorie, le blocage pourrait encore durer plusieurs jours…

Jean-Marc nous demande si le pape est un « métier bien payé ».

Une fois élu, le pape ne perçoit aucun salaire. L’ensemble de ses frais sont toutefois pris en charge par le Saint-Siège : il est logé au Palais apostolique du Vatican (ou à Sainte-Marthe), sa nourriture, son entretien ou ses frais de santé étant entièrement payés.

« Je ne gagne rien. Rien de rien ! On me nourrit, et si j’ai besoin de quelque chose, je demande », expliquait le pape François dans un livre paru en 2022.

Par ailleurs, les papes peuvent avoir des revenus propres, notamment ceux de leurs droits d’auteur, qui sont entièrement versés au Saint-Siège. Benoît XVI, auteur prolifique avant son élection, recevait aussi d’importants droits d’auteur qui ont servi à financer la fondation vaticane Joseph Ratzinger-Benoît XVI qui décerne chaque année un prix, considéré comme le « Nobel de théologie ».

Olivier nous demande combien de scrutins peuvent avoir lieu chaque jour.

Les opérations de vote au conclave sont encadrées par une procédure précise. Chaque cardinal vote à son tour, l’ensemble étant rangé dans un ordre protocolaire déterminé à l’avance. Chaque électeur se lève, déclare, avant de glisser son bulletin dans l’urne, son intention d’élire le pape puis retourne à sa place.

Tant pour des raisons matérielles – tout cela prend du temps – que pour préserver une atmosphère de prière, deux scrutins maximums peuvent être organisés par demi-journée. Ainsi, il ne peut y avoir que 4 scrutins par jour. Sauf le premier jour, où les opérations de vote ne débutent qu’en milieu d’après-midi, de sorte qu’un seul scrutin n’est possible, et encore, il n’est pas obligatoire.

Que se passe-t-il en cas de malaise ou souci de santé d’un cardinal électeur dans la chapelle Sixtine nous demande Timothée.

Tout est prévu en cas de maladie d’un des cardinaux électeurs. Des médecins et des infirmiers, qui ont tous prêté le serment de garder le secret du conclave, sont à la disposition des cardinaux.

S’ils sont trop malades pour se déplacer à la chapelle Sixtine, la constitution Universi Dominici gregis prévoit expressément que trois cardinaux sont tirés au sort chaque demi-journée pour aller chercher le vote de leurs collègues restés alités à la Maison Sainte-Marthe. Ce devrait être le cas cette année pour au moins un cardinal.

Enfin, si un cardinal devait être hospitalisé en dehors de la Cité du Vatican, les scrutins se poursuivront sans demander son vote. Mais les cardinaux ont l’obligation de le réadmettre au conclave si jamais il était guéri avant l’élection du pape.

Quand a lieu le premier vote ?

Après l’entrée en conclave, ce mercredi après-midi 7 mai, les 133 cardinaux électeurs vont chacun prêter serment avant que le maître des célébrations liturgiques pontificales, Mgr Diego Ravelli, ne prononce l’Extra omnes (« Tout le monde dehors ! »).

Le cardinal Raniero Cantalamessa, un capucin de 90 ans, ancien prédicateur de la Maison pontificale sous Jean-Paul II, Benoît XVI et François, leur fera alors lecture d’une méditation chargée de les éclairer sur la tâche qui leur incombe et la nécessité d’agir pour le bien de l’Église. Il sortira alors de la chapelle Sixtine, laissant les cardinaux électeurs uniquement entre eux.

À ce moment (on devrait être aux alentours de 18 heures), les cardinaux peuvent procéder à un premier tour de scrutin. Le résultat devrait être connu aux alentours de 19 heures/19 h 15…

Jusqu’ici, aucun cardinal n’a recueilli la majorité des deux tiers dès ce premier scrutin, qui sert plutôt à jauger les forces en présence. C’est à ce moment-là que les électeurs savent réellement qui sont ceux qui peuvent réellement recueillir un consensus sur leur nom. C’est là aussi qu’ils constatent que certains « favoris » ne le sont pas réellement…

Est-ce que certains cardinaux se portent volontaire pour devenir pape ?

Il n’y a pas de candidature au conclave. Certains cardinaux espèrent sans doute que les suffrages de leurs pairs se porteront sur eux, mais en tout état de cause, faire savoir, publiquement ou non, que l’on espère être élu est plutôt mal vu au sein du Sacre Collège. Et ce serait plutôt une manière de ne pas être élu…

Chaque cardinal, doit voter en fonction de la personnalité, de son histoire, y a-t-il des connivences entre eux ?

Chaque cardinal vote en fonction de sa personnalité, mais aussi, évidemment, en fonction des réalités de sa propre Église. Pendant les congrégations générales, les échanges ont toutefois pu leur permettre d’avoir une vision plus large des besoins de l’Église universelle.

Si les connivences peuvent jouer, la majorité des deux tiers des voix suppose toutefois que l’élu rassemble sur son nom un consensus plus large que les connivences ou les liens personnels. Surtout avec un collège électoral où tous les cardinaux sont loin de se connaître. Dans Universi Dominici gregis, Jean-Paul II donne des pistes aux cardinaux sur les critères qui devraient guider leur vote.

Il les exhorte ainsi à « ne pas se laisser guider (…) par la sympathie ou l’aversion, ou influencer par des faveurs ou par des rapports personnels envers quiconque ».

Pour lui, ils doivent avoir à l’esprit « uniquement la gloire de Dieu et le bien de l’Église » et désigner « celui qu’ils auront jugé plus capable que les autres (…) de gouverner l’Église universelle avec fruit et utilité ».

Qui annonce l’élection du pape si c’est le cardinal proto-diacre qui est élu ?

Si le cardinal protodiacre (actuellement le Français Dominique Mamberti, préfet du Tribunal de la Signature apostolique), devait être élu pape, il cesserait, dès l’instant où il accepterait son élection, d’être cardinal. La fonction de protodiacre passerait donc immédiatement au second cardinal diacre (actuellement le cardinal Mario Zenari, nonce apostolique en Syrie). Avant même qu’il prononce l’Habemus papam, sa seule apparition à la loggia de la basilique Saint-Pierre donnerait une claire indication de la personne du nouveau pape.

Qu’entend-on par : c’est l’Esprit Saint qui choisit le pape ? Dans quelle mesure est-ce le cas ?

Si une élection s’y déroule, le conclave est avant tout un acte liturgique (il est d’ailleurs réglé par un rituel spécifique, l’Ordo rituum conclavis).

Tous les cardinaux qui ont déjà participé à un conclave relèvent combien l’ambiance de prière qui est ainsi créée par la liturgie donne au conclave une atmosphère spirituelle particulière rappelant aux électeurs la gravité de la tache qu’ils ont à accomplir.

Pierrick nous demande comment s’est déroulée la dernière journée de congrégation générale hier.

Lors de la douzième et dernière congrégation générale, hier, les cardinaux ont continué leurs échanges sur la situation de l’Église catholique. Ils ont évoqué la nécessité de poursuivre les réformes entreprises par François, mais aussi la nécessité que le pouvoir du pape soit mieux encadré par des mécanismes de collégialité. Et notamment que le prochain pape réunisse plus souvent ses cardinaux.

La congrégation générale a également été marquée par la destruction de l’Anneau du pêcher et du sceau en plomb du pape François.

Simon pose une question sur l’entourage des cardinaux. Sont-ils venus avec une équipe à Rome ? Un assistant ? Ou sont-ils seuls, notamment les cardinaux Français ?

Certains cardinaux sont venus à Rome accompagnés de leur vicaire général ou d’un secrétaire. Certains, surtout s’ils viennent de loin ou d’un petit diocèse ont préféré venir seul. Néanmoins, pour le conclave lui-même, les cardinaux ne peuvent pas venir accompagnés à Sainte-Marthe.

Au vu de l’internationalisation croissante du collège cardinalice, pourriez-vous nous éclairer sur les enjeux extra-européens du scrutin à venir ?

Le pape François, lui-même originaire de l’hémisphère sud, a poursuivi, voire amplifié le « basculement » du centre de gravité de l’Église catholique vers le sud. Par ses nominations de cardinaux, il a mieux fait correspondre la répartition des catholiques dans le monde avec la nationalité des cardinaux, électeurs en particulier.

Aujourd’hui, parmi les 135 cardinaux électeurs, 13 % sont Africains, 17 % Asiatiques, 3 % Océaniens, 10 % Nord-Américains (États-Unis et Canada) et 17 % Latino-américains. Les Européens représentent toujours 39 % des cardinaux qui vont élire le nouveau pape. Reste à savoir comment voteront les cardinaux non-Européens et s’ils peuvent à nouveau élire un pape qui ne vient pas du Vieux continent.

Que se passe-t-il si les cardinaux élisent un cardinal non-électeur non-présent à Rome pendant le conclave, il y aurait un certain temps entre la fumée blanche et l’arrivée du pape au balcon ? Un scénario de cet ordre, a-t-il des chances d’arriver ?

L’éventualité d’un pape élu habitant hors du Vatican est spécifiquement envisagée par l’Ordo rituum conclavis. Il précise que, dans ce cas, le cardinal qui préside le conclave et deux cardinaux désignés à cette occasion « appellent le substitut de la Secrétairerie d’État, qui veille prudemment à ce que l’électeur arrive à Rome le plus tôt possible, en évitant absolument les médias, qui pourraient violer le secret du conclave ».

« Une fois l’électeur arrivé dans la Cité du Vatican, le substitut de la Secrétairerie d’État informera immédiatement le cardinal président de son arrivée et exécutera exactement ses ordres, poursuit l’Ordo. Le cardinal président, après avoir consulté les deux cardinaux qui l’assistent, convoque les cardinaux électeurs et introduit l’élu dans la chapelle Sixtine, afin que soit accompli le rite d’acceptation. »

Si l’élu habite les États-Unis, la procédure pourrait donc prendre un certain temps…

Manon demande comment seront habillés les cardinaux pendant le conclave.

Pendant le conclave, les cardinaux de rite latin doivent porter l’habit de chœur, c’est-à-dire la soutane rouge avec le rochet (un surplis blanc généralement orné de dentelle), la mosette (court manteau porté sur les épaules), la calotte et la barrette rouges. Ils doivent aussi porter la croix pectorale accrochée à un cordon rouge et or, et leur anneau cardinalice.

Les cardinaux de rite oriental doivent porter l’habit de chœur propre à leur rite.

Pouvez-vous nous rappeler les règles précises concernant le secret durant le conclave ? Il existe pour certains conclaves un détail des votes durant les différents tours du scrutin, souvent convergents malgré quelques différences. Peut-on s’attendre à la même chose pour le conclave à venir ?

Dès son arrivée à Rome, chaque cardinal prêtre le serment « de maintenir scrupuleusement le secret sur tout ce qui a rapport de quelque manière que ce soit avec l’élection du Pontife Romain ». Ceux qui entrent dans la chapelle Sixtine jurent aussi « de garder le secret absolu (…) et cela perpétuellement » sur tout le déroulement du conclave. Après chaque scrutin, les notes des cardinaux sont mêmes brûlées avec les bulletins pour ne laisser aucune trace.

Cela n’empêche pas des récits de circuler sur la manière dont les conclaves ont pu se dérouler, mais tous les chiffres donnés n’ont été établis que sur la base de confidences de cardinaux ayant rompu le secret.

Le cardinal Ricard, accusé d’agression sexuelle, participe-t-il aux congrégations générales ?

Accusé d’abus sexuel sur une mineure quand il était prêtre, le cardinal Jean-Pierre Ricard, ancien archevêque de Bordeaux, a été suspendu, en 2023 par la justice de l’Église, de tout ministère public pendant cinq ans hors du diocèse de Digne (Alpes-de-Haute-Provence) où il réside. Âgé de plus de 80 ans, il n’est pas électeur au conclave, mais aurait pu participer aux congrégations générales. Il a toutefois renoncé à venir à Rome.

Quelle langue parle-t-on au conclave ?

Le conclave est une liturgie réglée par un rituel propre, l’Ordo rituum conclavis, rédigé en latin. Le latin, langue de l’Église catholique romaine, est donc la langue du conclave, où les cardinaux discutent cependant peu entre eux.

Hors de la chapelle Sixtine, les cardinaux discutent le plus souvent entre eux en italien, langue de travail de la Curie romaine, ou dans leurs langues respectives quand ils se retrouvent entre cardinaux de même langue.

Lors des congrégations générales qui précèdent le conclave, la langue était aussi le plus souvent l’italien, même si certains ont pu s’exprimer dans d’autres langues, comme l’anglais. L’italien étant la langue de travail de la Curie romaine, il est toutefois largement employé. Les cardinaux hésiteraient à élire pape l’un des leurs qui maîtriserait mal l’italien et ne pourrait ainsi pas avoir suffisamment la main sur la Curie.

Mathieu demande pourquoi les papes changent-ils de nom après leur élection ?

Si on connaît mal les vies des premiers papes, il semble n’avoir que tardivement changé de nom. Le premier cas avéré est celui de Jean II, élu en 533, et qui s’appelait Mercurius ; il aurait changé d de nom pour ne pas porter celui d’un dieu païen. En 955, Jean XII aurait lui aussi changé de nom pour le pas porter le nom de l’empereur païen Octavien.

En 996, Bruno de Carinthie fut élu pape, auquel succéda Gerbert d’Aurillac en 999 : portant tous deux des noms germaniques, ils les changèrent respectivement en Grégoire V et Sylvestre II. Depuis, seuls deux papes ont conservé leur prénom d’origine : Adrian Florensz Dedal (Adrien VI, en 1522) et Marcello Cervini (Marcel II, en 1555).

Peu à peu, une dimension symbolique, inspirée du monachisme oriental où le moine change de nom lors de ses vœux, est aussi venue soutenir cette tradition du changement de nom. Dans la Bible, le changement de nom est ainsi un signe de conversion et d’acceptation d’une nouvelle mission : Abram/Abraham, Jacob/Israël, Saul/Paul et, bien sûr, Simon devenu Pierre.

Dans l’Ancien Testament comme dans le Nouveau, les changements de nom sont des signes de conversion, d’élection par Dieu et d’attribution d’une mission nouvelle. Dans la Bible, Abram devient Abraham, Jacob devient Israël, Simon devient Pierre et Saul devient Paul.

Pourquoi les femmes ne participent-elles pas au conclave, demande Regina.

Les membres du conclave sont des cardinaux. Ils sont en nombre limité, en théorie 120, même s’il arrive que le pape s’affranchisse de cette règle, non par fantaisie, mais par souci que le conclave représente l’Église catholique dans sa diversité. Il n’y a donc pas que les femmes qui soient exclues du conclave.

La question est donc en réalité pourquoi il n’y a pas de femmes cardinales ? Cette règle est relative à l’organisation de l’Église, et non de l’ordre d’un règlement intérieur propre au conclave. Le droit de l’Église prévoit, depuis 1918, que ne peuvent être cardinaux que les prêtres catholiques, donc des hommes.

La présence de femmes dans le conclave demanderait donc d’abord la modification de cette norme de 1918 et ensuite de la nomination d’une femme comme cardinale. Le pape François a déjà fait progresser cette cause d’un pas, en nommant responsable (préfète) de dicastère une femme, un poste généralement réservé à un cardinal.

Depuis que la règle du conclave a été mise en place pour limiter la durée des débats, quelle a été le conclave le plus long ? Et le plus court ? Dans quel contexte ?

Le conclave s’est progressivement mis en place après l’élection pontificale de 1268-1271 quand, après la mort de Clément IV, les cardinaux mirent 1006 jours avant de désigner Grégoire X. Pour accélérer les choses, les habitants de Viterbe, avaient alors enfermé les cardinaux…

Depuis, le conclave le plus long a été celui de 1314-1316. Réunis à Carpentras après la mort de Clément V, les cardinaux n’arrivent pas à s’entendre. En juin 1316, ils sont enfermés à Lyon et aboutissent à l’élection de Jean XXII.

En 1415, lors du concile de Constance, Grégoire XII renonce au pontificat pour mettre fin au Grand Schisme d’Occident. Ses concurrents (Benoît XIII à Avignon et Jean XXIII à Pise) seront déposés et Martin V sera élu seul pape en 1417.

Le conclave le plus court a été celui d’octobre 1503 où il n’a fallu que quelques heures pour élire Jules II, 26 jours seulement après le conclave qui avait élu Pie III mort prématurément.

À l’époque récente, le conclave le plus long a été celui de 1922, après la mort de Benoît XV : il a fallu cinq jours et 14 scrutins pour élire Pie XI. Le conclave suivant, en 1939, aura été le plus court : il n’a fallu que deux jours et trois scrutins pour élire Pie XII. En 2005, après la mort de Jean-Paul II, il n’a aussi fallu que deux jours, mais quatre scrutins, pour élire Benoît XVI. Tous deux apparaissaient comme les successeurs naturels de leurs prédécesseurs.

On observe d’ailleurs que le temps des congrégations générales eu tendance à s’allonger (Jean-Paul II a prescrit qu’il ne pouvait être de moins de 15 jours), tandis que celui du conclave lui-même devient relativement court. Ce qui montre à quel point le « pré-conclave » permet de préparer le conclave lui-même.

Une fois que le camerlingue et presque tous les membres des congrégations générales seront en conclave, qui gérera le Vatican ?

Même si le cardinal Kevin Farrell, camerlingue de la Sainte Église romaine, participera au conclave, le Saint-Siège ne restera pas sans tête.

À la Secrétairerie d’État, Mgr Edgar Peña Parra, substitut pour les affaires générales et Mgr Gallagher, secrétaire pour les relations avec les États (sortes de « ministre de l’intérieur » et « ministre des affaires étrangères » de l’Église) sont restés à leur poste et gère les affaires courantes sous l’autorité du collège des cardinaux. Les secrétaires des différents dicastères de la Curie sont aussi restés en poste et répondent de leur action devant le collège des cardinaux.

Par ailleurs, le doyen du collège des cardinaux étant âgé de 91 ans, il ne participe au conclave et peut agir en cas d’urgence. Néanmoins, toutes les décisions prises par le collège des cardinaux pendant la vacance du Siège apostolique devront être confirmées par le nouveau pape.

Quentin nous demande si dans la chapelle Sixtine les cardinaux ont droit de parler, de prendre la parole ? Ou se contentent-ils de voter et se taire ?

Dans la chapelle Sixtine elle-même, les cardinaux parlent peu entre eux, à part, à voix basse, avec leur voisin. Juste après son élection, le pape François a ainsi raconté ses apartés avec le cardinal brésilien Claudio Hummes, assis à côté de lui, et dont la réflexion « N’oublie pas les pauvres ! » quand il approchait de la majorité des deux tiers, lui a inspiré de prendre le nom de François.

Mais dans cette liturgie très réglée qu’est le conclave, il n’y a pas de débat et les cardinaux se contentent de voter et d’observer le dépouillement des scrutins (en octobre 1978, le futur Jean-Paul II lisait une revue d’études marxistes pour passer le temps…)

Seule exception : si les cardinaux n’arrivent pas à s’accorder sur un nom après trois jours de conclave (donc neuf tours de scrutin), les votes sont suspendus « pendant un jour au maximum, afin de laisser place à la prière, à un libre échange entre les votants et à une brève exhortation spirituelle par le premier des cardinaux diacres ». Ce « libre-échange » pourra donc donner lieu à des prises de parole.

Ce type d’interruption peut ensuite se répéter tous les sept scrutins infructueux… Mais depuis l’instauration de cette règle par Jean-Paul II, elle n’a encore jamais été utilisée, les conclaves n’ayant pas dépassé les cinq tours de scrutin.

On dit que le pape a nommé plus de 100 cardinaux. Comment se passe la nomination d’un cardinal ?

Au cours de son pontificat, le pape François a créé 163 cardinaux, dont 108 sont électeurs au conclave (soit 81 %) qui débute ce mercredi.

Le choix des cardinaux est entièrement à la main du pape. Pendant longtemps, un certain nombre de fonctions à la Curie et les sièges épiscopaux des grandes villes du monde étaient considérés comme « cardinalices », l’évêque qui l’occupait étant souvent systématiquement créé cardinal dans les mois ou les années suivant sa nomination.

Les choses ont un peu évolué depuis quelques années. Pour les archevêques des grandes villes, Benoît XVI a en effet pris l’habitude d’attendre que le prédécesseur ait atteint l’âge de 80 ans pour créer cardinal son successeur.

François a, lui, eu une politique de création très particulière : considérant que les cardinaux sont les collaborateurs du pape, il s’est appuyé sur des relations personnelles avec les évêques, sans plus forcément tenir compte des sièges épiscopaux occupés.

Ainsi, en France, les archevêques de Paris et de Lyon, traditionnellement cardinalices, ne sont pas cardinaux, contrairement à l’archevêque de Marseille et à l’évêque d’Ajaccio. En 2017, il a même créé cardinal l’évêque auxiliaire de San Salvador, Mgr Gregorio Rosa Chavez (un proche de saint Oscar Romero), qui est resté en fonction au côté de son archevêque, qui lui n’était pas cardinal…

Il n’y a que 119 chambres à la maison sainte Marthe. Comment vont loger les 133 cardinaux électeurs qui doivent être coupés du monde ?

Il y a en fait 20 chambres et 109 suites à la Maison Sainte-Marthe (dont l’une, la 201, qu’occupait le pape François pendant son pontificat, a été scellée juste après sa mort). Cela reste trop peu pour loger les 133 cardinaux qui participent au conclave, aussi certains cardinaux seront-ils installés dans l’ancienne Maison Sainte-Marthe (Santa Marta Vecchia), tout à côté, qui où habitent habituellement de hauts responsables du Saint-Siège.

Toinon se demande si les cardinaux dorment dans la chapelle Sixtine pendant le conclave.

Avant d’être le lieu de l’élection du pape, la chapelle Sixtine a d’abord été le lieu où dormaient les cardinaux, qui votaient dans d’autres chapelles (notamment la chapelle Pauline). Des tentures étaient installées dans la chapelle qui prenait ainsi des airs d’hôpital de campagne… Une mythologie s’est ainsi créée après que, à plusieurs reprises, le pape élu a été le cardinal qui dormait sous la fresque de la Remise des clés à saint Pierre du Pérugin.

Au fur et à mesure que le nombre de cardinaux a augmenté, les cardinaux ont commencé à dormir dans d’autres endroits du Palais apostolique, la Sixtine devenant le lieu de vote des cardinaux en 1565.

Jean-Paul II, qui avait souffert de l’inconfort des lits de camp installés dans les couloirs du Vatican pendant les deux conclaves d’août et d’octobre 1978 a finalement décidé la construction de la Maison Sainte-Marthe, un véritable hôtel moderne (mais sans luxe) pour accueillir les cardinaux électeurs dans l’enceinte du Vatican. Dans Universi Dominici gregis, il prescrit que les électeurs doivent loger à Sainte-Marthe pendant le conclave et que l’es opérations de vote « se dérouleront exclusivement » dans la chapelle Sixtine.

Vous dites que « le nombre de cardinaux électeurs attendus au conclave est de 133 ». Ce décompte intègre donc le cardinal Becciu. Aura-t-il le droit de participer au conclave ?

Non. Condamné en première instance en avril 2023 dans l’affaire de l’immeuble londonien acquis par la Secrétairerie d’État (il a fait appel), le cardinal Angelo Becciu n’était plus compté parmi les cardinaux électeurs depuis que le pape François lui avait retiré, dès 2020, les droits afférents au cardinalat, et en premier lieu celui de participer au conclave.

S’il a, au début des congrégations générales, annoncé qu’il entendait bien participer au conclave, le cardinal Becciu y a finalement renoncé pour « contribuer à la communion et à la sérénité du conclave ».

Lors du conclave, les cardinaux non-électeurs sont-ils présents dans la chapelle Sixtine et participent-ils aux débats ?

Les cardinaux non-électeurs participent aux congrégations générales, mais pas au conclave lui-même, où seuls les électeurs sont admis. Quelques ecclésiastiques non-électeurs sont toutefois admis dans la chapelle Sixtine pendant le conclave : le secrétaire du collège des cardinaux et le maître des célébrations pontificales.

Juste avant le premier scrutin, un ecclésiastique est aussi chargé par les cardinaux de prononcer une méditation « sur la tâche très lourde qui leur incombe et, donc, sur la nécessité d’agir avec une intention droite pour le bien de l’Église universelle ». En 2013, c’est le cardinal maltais Prosper Grech, 87 ans (et donc non-électeur) qui avait été choisi ; il avait quitté la chapelle Sixtine dès sa méditation terminée.

Les cardinaux qui ont plus de 80 ans (et qui ne sont donc pas électeurs) participent-ils tout de même au conclave ?

Non. Les cardinaux de plus de 80 ans, n’étant pas électeurs, ne peuvent participer au conclave. C’est pour cela, par exemple, que le doyen du collège des cardinaux, le cardinal Giovanni Battista Re, 91 ans, qui doit normalement présider le conclave, sera obligé de déléguer cette tâche au cardinal Pietro Parolin, premier des cardinaux évêques de moins de 80 ans.

Un seul cardinal de plus de 80 ans pourra entrer au conclave : le cardinal Raniero Cantalamessa, 90 ans, ancien prédicateur de la Maison pontificale sous Jean-Paul II, Benoît XVI et François, à qui les cardinaux ont demandé de faire, au tout début du conclave, la méditation prescrite par la constitution Universi Dominici gregis « sur la tâche très lourde qui leur incombe et, donc, sur la nécessité d’agir avec une intention droite pour le bien de l’Église universelle ». Toutefois, dès qu’il aura terminé, il devra lui aussi quitter la chapelle Sixtine.