La proposition de loi portée par le sénateur Gérard Gremillet, en cours d’examen au Parlement, prétend répondre aux défis énergétiques et climatiques. Mais derrière les discours d’équilibre et de rationalité, ce texte traduit une vision dangereusement anachronique : relancer l’atome à marche forcée, en reléguant les énergies renouvelables et les efforts de sobriété au rang de variables d’ajustement.
Relance de Fessenheim, lancement de six nouveaux EPR, annonce de huit autres à venir, réacteurs de génération 4, surpuissance des centrales existantes… C’est une véritable fuite en avant nucléaire qui se profile, sans que les conditions de faisabilité, de coût et de calendrier soient sérieusement posées.
Retour au tout-nucléaire
Ce retour au tout-nucléaire intervient alors même que le parc historique montre de nouvelles faiblesses structurelles (corrosion sous contrainte à Civaux, arrêts prolongés, aléas techniques persistants), et que l’EPR de Flamanville n’est toujours pas pleinement opérationnel après plus de dix-huit ans de chantier et 24 milliards d’euros investis.
Et pendant ce temps, rien ou presque n’est dit dans ce texte sur les énergies renouvelables, la rénovation des bâtiments, l’électrification des mobilités, ou encore la montée en puissance de la production décentralisée.
Alors que les scientifiques tirent la sonnette d’alarme : limiter le réchauffement climatique à + 1,5 °C n’est désormais plus réaliste, et il faut agir massivement, maintenant. C’est précisément ce que permettent les énergies renouvelables : des déploiements rapides, soutenus par une filière française, en synergie avec les territoires.
Une approche idéologique
Cette proposition de loi adopte une approche centralisée et technocratique, dictée non par les besoins des citoyens ni par les capacités des territoires et encore moins par une rationalité économique, mais par des calculs politiques.
Ce texte ignore délibérément une réalité pourtant bien établie : les élus locaux, toutes sensibilités confondues, soutiennent majoritairement le développement des énergies renouvelables. Partout, des projets solaires, éoliens, citoyens, coopératifs ou industriels voient le jour avec l’appui des collectivités et l’adhésion des habitants.
Annuler toutes mentions des énergies renouvelables est non seulement stérile, mais dangereux. Cela revient à retarder l’action, à détourner l’investissement public d’options déjà opérationnelles, et à entretenir une fausse guerre des technologies au lieu de construire un mix énergétique diversifié, sobre et résilient.
Le temps du sursaut
Il n’est pas trop tard pour corriger le tir. Cette proposition de loi est encore en discussion. Des amendements peuvent être portés. Il est essentiel que les parlementaires fassent entendre une autre voix : celle des territoires, des ingénieurs, des citoyens engagés, des élus de terrain, des porteurs de projets qui, chaque jour, agissent pour une transition énergétique concrète. La France ne peut pas se permettre de parier à nouveau sur un seul cheval, surtout lorsqu’il s’agit d’un programme nucléaire surdimensionné, incertain et hors budget.
Il est temps de redonner à notre politique énergétique un cap clair : celui d’une transition juste, réaliste, fondée sur l’efficacité, la sobriété, les renouvelables et la confiance dans les dynamiques locales.