« La Constitution dit clairement que la loi d’« habeas corpus » peut être suspendue en période d’invasion », a affirmé vendredi 9 mai Stephen Miller, un conseiller de la Maison-Blanche. Il s’exprimait en évoquant les droits de recours des immigrés visés par le projet d’expulsions massives de l’administration Trump, auquel des juges font obstacle en se référant à l’« habeas corpus ».
Ce principe fondamental du droit anglo-saxon garantit à tout individu de pouvoir contester devant un juge son arrestation ou sa détention s’il l’estime arbitraire. Il n’a été que très rarement suspendu dans l’Histoire américaine. Une loi de 1798 sur « les ennemis étrangers » permet sa suspension aux États-Unis, mais celle-ci n’a été jusque-là utilisée qu’exclusivement en temps de guerre.
Une loi de 1798 permet de suspendre l’habeas corpus aux États-Unis
En mars dernier, Donald Trump, qui a érigé la lutte contre l’immigration clandestine en priorité absolue, avait invoqué cette loi pour expulser vers le Salvador des Vénézuéliens présentés comme membres d’un gang déclaré organisé organisation terroriste. Mais plusieurs tribunaux et cours d’appel fédéraux ainsi que la Cour suprême ont déjà bloqué provisoirement le recours à cette loi de 1798 suspendant l’« habeas corpus », considérant que les personnes expulsées devaient pouvoir faire valoir leurs droits.
Cependant, le 7 avril dernier, la Cour suprême avait autorisé Donald Trump, par 5 voix contre 4, à recourir à cette loi de 1798, en apposant toutefois certaines conditions : les détenus doivent être « notifiés qu’ils sont visés » par une procédure de déportation « dans un délai raisonnable leur permettant de former un recours en habeas corpus » devant une juridiction compétente avant leur déportation.
Un principe qui remonte à la Rome antique
L’« habeas corpus », traduit généralement par « sois maître de ton corps », est un principe qui remonte à la Rome antique, trouvant son origine dans la « provocatio » qui restreignait le pouvoir de coercition capitale dont bénéficiaient les magistrats supérieurs romains, instaurant un droit d’appel au peuple.
Son principe moderne est formalisé dans l’Habeas corpus Act, adopté en Angleterre en 1679, « une loi pour mieux assurer la liberté du sujet et pour la prévention des emprisonnements outre-mer », selon son énoncé, qui est considérée comme un des piliers des libertés publiques anglaises. Cette loi contraint les juges, mais les protège aussi en accroissant leur indépendance vis-à-vis du pouvoir en place.
Au XXIe siècle, cette loi reste présente dans la plupart des pays qui appliquent la common law. Aux États-Unis, elle a valeur constitutionnelle, mais fut amendée en 2005 par le Detainee Treatment Act, voté par le Congrès, selon lequel aucun tribunal américain n’a juridiction pour entendre une demande d’habeas corpus soulevé par un étranger détenu à Guantanamo Bay.