Une lourde sonnerie de corne de brume, une mélodie déchaînée, un saxophone tourbillonnant, un rythme en yoyo et des accents britanniques solennels : quiconque a écouté la radio dans les années 1980 a entendu Night Boat To Cairo. Improbable odyssée sur les rives du Nil, ce tube de Madness sorti en 1979 composait un cocktail d’énergie, de sons et d’humour rarement entendus : le ska était né.
En 1979, le ska et Margaret Thatcher
Christophe Conte capture l’esprit de ce phénomène pop international avec précision historique et passion musicale. Le journaliste, qui a déjà documenté The Kinks, The Who et Brian Wilson des Beach Boys, poursuit son travail quasi encyclopédique sur les groupes les plus passionnants du rock.
Riche de témoignages, dont celui du chanteur Graham « Suggs » McPherson, le film décrypte une époque qui a vu vaciller le Royaume-Uni. Une crise économique sans précédent, le déferlement de violences d’extrême droite et l’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher forment la toile de fond de la génération Madness.
Empruntant au reggae et au blue beat de Jamaïque, au rock et au punk anglais, la joyeuse bande de Madness s’affirme résolument antiraciste. Festive, libre et tolérante, sa musique est ciblée par les skinheads qui attaquent ses concerts au public métissé. Le groupe célèbre le peuple et soutient la campagne Rock Against Racism.
Au Jubilé de la reine, Madness pour la famille royale
Le documentaire s’attache à la façon dont Madness devient un « trésor national ». Leurs fans, qui sautent sur One Step Beyond à Finsbury Park en 1992, déclenchent des séismes de magnitude 5. Leur concert sur le toit de Buckingham Palace en 2012 pour le Jubilé de la reine apporte une part épique à la légende d’un groupe toujours en activité.
Les musiciens racontent avec jubilation le moment suspendu où ils jouent dans le viseur des snipers déployés sur les toits. En dessous d’eux au balcon, les têtes de la famille royale se balancent en rythme, montrant au monde la reconnaissance de la Couronne britannique.