« Le Saint-Siège est disponible pour que les ennemis se rencontrent et se regardent dans les yeux », a lancé Léon XIV devant les représentants des 23 Églises chrétiennes d’Orient la semaine dernière, citant notamment le conflit en Ukraine.
Cette proposition de médiation, qui place le nouveau pape dans les traces de son prédécesseur François, a été accueillie « positivement » par Donald Trump, Volodymyr Zelensky et plusieurs alliés européens de Kiev, a rapporté la première ministre italienne, Giorgia Meloni, lundi 19 mai.
Si ces déclarations placent le nouveau pape dans les traces de son prédécesseur, l’engagement diplomatique du Vatican pour la résolution des conflits remonte à plus d’un siècle. Pendant la Première Guerre mondiale, Benoit XV lançait déjà de multiples appels à la paix, en vain. Réconciliation entre l’Argentine et le Chili, rapprochement entre Cuba et les États-Unis… Depuis, le Saint-Siège a eu un rôle de médiateur dans plusieurs conflits.
Traité de paix et d’amitié entre l’Argentine et le Chili
Dès le début de son pontificat, Jean-Paul II se préoccupe du différend territorial opposant l’Argentine et le Chili depuis plus d’un siècle. Les deux voisins se disputent le canal du Beagle, à l’extrémité de la Terre de Feu. Pour ne rien arranger, quand l’Argentine tente de s’emparer des îles Malouines et déclenche une guerre éclair avec le Royaume-Uni, en 1982, le dictateur Pinochet est le seul dirigeant sud-américain à soutenir Londres.
Jean-Paul II s’engage alors pour que cette relation difficile « ne dégénère en un conflit armé honteux, mais aussi pour trouver un moyen de résoudre définitivement cette controverse », souligne-t-il dans un discours d’avril 1982. Deux ans plus tard, la médiation poussée par le pape aboutit au traité de paix et d’amitié argentino-chilien. Cet accord, signé au Vatican, fixe la frontière entre les deux États dans le détroit de Magellan, et détaille leurs droits de navigation respectifs.
Plus récemment, en 2015, la Bolivie d’Evo Morales avait proposé au Chili de demander la médiation du pape François pour régler leur différend territorial. Une proposition refusée par les autorités chiliennes.
Rapprochement entre Cuba et les États-Unis
Lors de leur rencontre en mars 2013, Barack Obama et François évoquent la question de Cuba. Le président américain vient alors d’autoriser le lancement de discussions secrètes avec le gouvernement cubain en vue d’une normalisation des relations.
À la suite de cette entrevue, le pape écrit deux lettres : l’une à Barack Obama, l’autre à son homologue cubain, Raul Castro, « pour les inviter à résoudre les questions humanitaires d’intérêt commun, parmi lesquelles la situation de certains détenus, afin de lancer une nouvelle phase dans les rapports entre les deux parties », explique le Vatican.
Quelques mois plus tard, le 17 décembre 2014, Barack Obama et Raul Castro annoncent le rapprochement entre Washington et La Havane. Les États-Unis acceptent dans la foulée de lever une partie des sanctions économiques visant Cuba, et retirent l’île de la liste des pays « soutenant le terrorisme ». Des prisonniers américains détenus par La Havane sont aussi libérés.
Bien que le Canada ait accueilli les négociations, les États-Unis décrivent le rôle du Saint-Siège comme décisif. « Je veux remercier Sa Sainteté, le pape François, dont l’exemple moral nous montre l’importance de rechercher un monde tel qu’il devrait être, plutôt que de se contenter du monde tel qu’il est », déclare Barack Obama.
L’arrivée de Donald Trump au pouvoir, en 2017, met un coup d’arrêt à ce rapprochement spectaculaire. Le président républicain rappelle la plupart des diplomates américains de Cuba, et classe à nouveau l’île dans la liste des pays soutenant le terrorisme en 2021.
Geste spectaculaire pour le Soudan du Sud
François s’est aussi personnellement investi pour la paix au Soudan du Sud, un jeune pays ravagé par la guerre civile. En avril 2019, alors qu’il reçoit le président Salva Kiir et le chef rebelle Riek Machar pour une « retraite spirituelle » de vingt-quatre heures au Vatican, le pape dévie du protocole prévu. Dans un geste inattendu, il s’agenouille et leur embrasse les pieds pour les implorer de mettre fin aux hostilités.
Même si cette marque d’humilité ne met pas fin aux violences, elle convainc le président sud-soudanais d’accepter la médiation proposée par la Communauté de Sant’Egidio pour restaurer le dialogue entre l’État et les parties non-signataires de l’accord de paix de 2018. Toutefois, lors de son voyage apostolique dans le pays, en février 2023, François n’a pas caché son agacement face à l’enlisement du processus de paix entre les dirigeants soudanais.