Héritage : cinq chiffres qui montrent son poids dans les inégalités françaises

Emmanuel Macron sera interrogé mardi 13 mai 2025 sur TF1 par Cécile Duflot (Oxfam) sur l’héritage. (Photo d’Illustration)
Emmanuel Macron sera interrogé mardi 13 mai 2025 sur TF1 par Cécile Duflot (Oxfam) sur l’héritage. (Photo d’Illustration) Thomas JOUHANNAUD / POPULAIRE DU CENTRE/MAXPPP
Emmanuel Macron sera interrogé mardi 13 mai sur TF1 par l’ancienne ministre écologiste Cécile Duflot, désormais directrice d’Oxfam, sur la fiscalité de l’héritage. En 2023, les droits de succession ont rapporté 16,6 milliards d’euros à l’État. Voici cinq chiffres pour comprendre les enjeux d’un débat toujours sensible.

Ce mardi 13 mai, Emmanuel Macron sera l’invité d’un entretien diffusé sur TF1, au cours duquel il sera, entre autres, interrogé par Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France. L’ancienne ministre écologiste entend confronter le chef de l’État sur la question sensible de la taxation de l’héritage. L’ONG, qui milite pour une redistribution plus équitable des richesses, plaide depuis plusieurs années pour une réforme des droits de succession, considérés comme un levier essentiel de lutte contre les inégalités.

Alors que les transmissions de patrimoine prennent une place croissante dans la richesse des ménages, le sujet suscite un débat vif entre justice sociale et attachement à la transmission familiale. Voici cinq chiffres clés pour comprendre les enjeux économiques, sociaux et fiscaux de l’héritage en France.

16 milliards d’euros de recettes

En 2023, les droits de succession ont rapporté 16,6 milliards d’euros à l’État français, soit plus du double par rapport à 2011 (7 milliards d’euros), selon un rapport de la Cour des comptes. Cette augmentation s’explique par des évolutions législatives, l’augmentation du nombre de décès et la hausse de la valeur des actifs, notamment immobiliers.

Cette hausse de plus de 137 % en douze ans s’explique notamment par l’augmentation du nombre de décès, liée au vieillissement de la population, ainsi que par la hausse continue des valeurs immobilières et patrimoniales. La France figure parmi les pays de l’OCDE où les recettes de la fiscalité sur les transmissions sont les plus élevées en proportion du PIB (0,74 %).

4 Français sur 10 héritent

Environ 40 % des ménages français déclarent avoir déjà reçu un héritage au cours de leur vie, selon une l’étude de l’Insee publiée en 2024.

Les ménages ayant perçu un héritage disposent en moyenne d’un patrimoine brut de 439 700 €, contre 317 100 € pour l’ensemble des ménages. L’écart est également marqué en matière de patrimoine médian, un indicateur moins sensible aux très grandes fortunes : il atteint 269 300 € pour les ménages ayant hérité, contre 177 200 € pour l’ensemble. Un héritier dispose d’environ 90 000 € de plus que la médiane nationale.

60 % de la richesse d’un ménage est héritée

La part du patrimoine issu d’un héritage est passée de 35 % dans les années 1970 à près de 60 % aujourd’hui, selon une note du Conseil d’analyse économique de 2022. Autrement dit, la majorité du patrimoine détenu par les individus ne résulte plus de leur travail ou de leur épargne personnelle, mais de la transmission intergénérationnelle.

Ce phénomène contribue à « figer les positions sociales », détaille la même note. Les individus issus des milieux modestes commencent leur vie adulte avec peu ou pas de patrimoine, ce qui freine leur accès à la propriété, à l’entrepreneuriat ou à des investissements productifs.

15 % des héritages seulement sont taxés

Contrairement à une idée reçue, près de 85 % des successions en France ne sont pas soumises aux droits de succession, rapporte le ministère de l’économie, grâce à des abattements et exonérations.

En ligne directe – entre parents et enfants –, chaque héritier peut recevoir jusqu’à 100 000 € de chaque parent sans être taxé. Ce seuil est renouvelable tous les quinze ans. Au-delà de cet abattement, les droits de succession s’appliquent selon un barème progressif allant de 5 à 45 %. Le taux maximal ne concerne que la fraction de l’héritage dépassant 1,8 million d’euros par enfant.

Cet impôt est aussi largement atténué par une série de dispositifs fiscaux tels que le pacte Dutreil – qui facilite la transmission des entreprises – ou les donations en démembrement de propriété. Par exemple, dans le cadre d’une transmission d’entreprise valorisée à 100 millions d’euros à deux enfants, l’application du pacte Dutreil peut ramener le taux effectif d’imposition à 10,7 %, contre 44,4 % sans ce dispositif, explique la Cour des comptes.

77 % des Français jugent les droits de succession « injustifiés »

L’impôt sur la succession est sûrement le moins aimé des Français, selon un sondage d’Odoxa pour Challenges publié en 2024 (1). Si certains impôts sont perçus comme légitimes – celui sur les sociétés (81 %), la fortune immobilière (79 %) ou même sur le revenu (73 %) –, l’impôt sur les droits de succession est perçu comme illégitime par 77 % des Français.

C’est d’ailleurs un impôt si impopulaire que les Français demandent unanimement qu’il soit baissé plutôt qu’augmenté : 84 % pensent qu’il faudrait diminuer l’impôt sur l’héritage, contre seulement 13 % qui pensent qu’il faudrait l’augmenter.

(1) Enquête réalisée auprès d’un échantillon de Français interrogés par Internet les 11 et 12 avril 2024 sur un échantillon de 1 005 Français, représentatif de la population de 18 ans et plus.