Les combattants kurdes du PKK s'apprêtent à rendre les armes

Des partisans du fondateur emprisonné du PKK, Abdullah Öcalan, assistent à un rassemblement diffusant une déclaration télévisée dans la ville à majorité kurde de Qamishli, dans le nord-est de la Syrie, le 9 juillet 2025
Des partisans du fondateur emprisonné du PKK, Abdullah Öcalan, assistent à un rassemblement diffusant une déclaration télévisée dans la ville à majorité kurde de Qamishli, dans le nord-est de la Syrie, le 9 juillet 2025 Delil SOULEIMAN / AFP/Archives

La guérilla kurde du PKK, le Parti des Travailleurs du Kurdistan en guerre contre Ankara depuis quatre décennies, s’apprête à clore un chapitre historique en procédant vendredi en Irak à un premier dépôt d’armes.

Une cérémonie aux contours encore flous est prévue vendredi matin près de Souleimaniyeh, dans la région autonome du Kurdistan, dans le nord de l’Irak frontalier de la Turquie, non loin des montagnes où sont repliés les combattants kurdes.

Initialement annoncée comme une cérémonie publique, elle devrait se tenir finalement en présence d’un nombre restreint d’invités, officiellement pour des raisons de sécurité.

Parmi eux, des élus du parti turc prokurde DEM, médiateur entre le chef du PKK Abdullah Öcalan, 76 ans dont vingt-six en prison, et le gouvernement turc, qui sont arrivés jeudi en Irak.

C’est via le DEM, dont une délégation a été autorisée à se rendre à plusieurs reprises auprès de M. Öcalan en prison, que le fondateur du PKK a appelé, en février, à tourner officiellement la page d’un conflit qui a fait au moins 40.000 morts.

M. Öcalan a ainsi favorablement répondu à un processus initié à l’automne dernier par le gouvernement turc après une décennie de statu-quo militaire.

Le chef du parti nationaliste MHP, Devlet Bahceli, s'exprime lors d'une réunion du groupe parlementaire de son parti à la Grande Assemblée nationale turque à Ankara, le 17 janvier 2023
Le chef du parti nationaliste MHP, Devlet Bahceli, s'exprime lors d'une réunion du groupe parlementaire de son parti à la Grande Assemblée nationale turque à Ankara, le 17 janvier 2023 Adem ALTAN / AFP/Archives

Pour Ankara, comme pour ses alliés occidentaux, le PKK est considéré comme un mouvement terroriste.

C’est paradoxalement l’allié du président turc Recep Tayyip Erdogan, le chef du parti nationaliste MHP, Devlet Bahceli, qui a tendu la main à l’ennemi public, lui proposant d’appeler les combattants à renoncer à la lutte armée et à « venir s’exprimer devant le Parlement ».

Le 27 février, Abdullah Öcalan a appelé le PKK à « déposer les armes et (...) à se dissoudre », affirmant « assumer la responsabilité historique de cet appel ».

« Politique et paix sociale »

Mercredi, dans un message vidéo en turc, « Apo » (oncle) comme l’appellent ses fidèles, a confirmé l’imminence du désarmement.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan s'exprime lors d'une conférence de presse après le sommet de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) à La Haye, le 25 juin 2025
Le président turc Recep Tayyip Erdogan s'exprime lors d'une conférence de presse après le sommet de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) à La Haye, le 25 juin 2025 Ramon van Flymen / ANP/AFP/Archives

« Je crois au pouvoir de la politique et de la paix sociale et non des armes. Et je vous appelle à mettre ce principe en pratique », insistait-il dans cette longue adresse.

Le chef de l’Etat turc a récemment exprimé sa confiance de voir « une Turquie sans terroriste », espérant que « ce processus prometteur se conclurait avec succès le plus rapidement possible, sans obstacle, ni risque de sabotage ».

Pour l’heure, la portée de la cérémonie de vendredi reste incertaine, par le nombre des combattants qu’elle concerne et le sort des armes déposées.

« En geste de bonne volonté, un certain nombre de combattants du PKK, qui ont pris part au combat contre les forces turques ces dernières années, détruiront ou brûleront leurs armes au cours d’une cérémonie dans les prochains jours », avait indiqué à l’AFP début juillet un commandant kurde sous couvert de l’anonymat.

Abdullah Öcalan, lui, est toujours détenu sur l’île prison d’Imrali, au large d’Istanbul, et ne réclame pas d’en sortir, alors que ses commandants faisaient de sa libération un des termes de l’équation.

Des partisans tiennent un poster du fondateur du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) Abdullah Öcalan, en Turquie le 27 février 2025
Des partisans tiennent un poster du fondateur du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) Abdullah Öcalan, en Turquie le 27 février 2025 Yasin AKGUL / AFP/Archives

« La situation de notre chef, Apo, affecte le processus et le ralentit », jugeait la semaine dernière un haut responsable du PKK, Mustafa Karasu.

En refusant de lier son sort personnel à l’avenir du processus de paix, M. Öcalan « contredit les conditions posées par le Parti qui demandait son élargissement afin qu’il puisse mener à bien le processus de paix », note l’historien des mouvements kurdes Boris James.

Le chercheur relève par ailleurs l’absence « d’acteur tiers pour garantir la probité du processus » et insiste: « Une très forte défiance subsiste entre le PKK et l’Etat turc, or l’Etat a donné peu de gages » aux combattants kurdes.

Ces derniers ont dénoncé la poursuite des bombardements turcs sur leurs positions en Irak malgré le processus en cours.

Depuis les derniers violents combats qui avaient ensanglanté la ville turque à majorité kurde de Diyarbakir (sud-est) en 2015, les combattants du PKK sont principalement restés cantonnés dans les montagnes de Kandil, en Irak, soumis également aux opérations de ratissage de l’armée turque.