L’histoire nous regarde et nous jugera durement. Comme Josep Borrell, ancien haut représentant de l’Union européenne, l’a écrit justement il y a quelques jours « le soutien inconditionnel de l’Union européenne risque de nous rendre complices de crime contre l’humanité ». Les mois passent et aucune action de la France et des Européens, concertée ou non, ne semble devoir être prise pour faire cesser le massacre à grande échelle dont est victime la population civile de la bande de Gaza.
L’ampleur des crimes commis par le pouvoir israélien d’extrême droite est saisissante et largement documentée, malgré l’interdiction faite aux journalistes d’entrer dans la bande de Gaza en violation du droit international et l’assassinat de nombreux journalistes palestiniens. Ainsi, 12 dirigeants des plus grandes associations humanitaires l’écrivent en toutes lettres : « La famine n’est plus un risque mais une réalité, qui se développe rapidement dans toutes les régions de Gaza. »
Qu’on prenne bien la mesure de ce qui est dit : du fait du blocage organisé par l’armée israélienne, une population civile dont des dizaines de milliers d’enfants sont victimes de famine sur les bords de la mer Méditerranée. La Cour internationale de justice avait souligné le « risque génocidaire », tandis qu’Amnesty international, sur le fondement d’une analyse détaillée, a déclaré conclure qu’Israël commet un génocide à l’encontre des Palestiniens de la bande de Gaza.
Ne pas attendre pour agir
Une vie est une vie. Pourtant, face au crime en cours, face à son ampleur, la France et l’Union européenne restent passives. Même la mesure la plus minimale qu’est la suspension de l’accord d’association avec Israël n’a pas été adoptée. La France comme l’Union européenne se contentent de communiqués de dénonciation et d’annonces vagues sur d’hypothétiques conférences de paix qui auraient lieu dans quelques mois. Mais c’est chaque jour que des enfants meurent sous les bombes, sont mutilés, amputés, opérés sans anesthésie. Des centaines de milliers de Gazaouis n’ont plus le temps d’attendre : soit les denrées alimentaires de base leur parviennent cette semaine, soit ils risquent la maladie et la mort.
Face à l’invasion et aux crimes de guerre russe, la France n’a pas attendu et a immédiatement soutenu l’adoption de sanctions européennes. Face aux crimes terroristes du Hamas contre la population civile israélienne le 7-Octobre, la France a justement condamné sans détour. Mais que fait concrètement la France pour mettre fin au massacre des Palestiniens ? Que fait Emmanuel Macron ?
Le gouvernement israélien a annoncé publiquement le 5 mai un plan de réoccupation militaire de la bande de Gaza et de déplacement massif de la population gazaouie, ce qui reviendrait à un nettoyage ethnique de grande ampleur. Face à un risque de génocide, on ne peut s’en remettre au jeu classique des relations diplomatiques. Face à un pouvoir israélien suprémaciste, dont les ministres exposent eux-mêmes leur souhait de procéder à un nettoyage ethnique, il est vain de s’en référer à des conférences internationales. Il faut sans attendre exercer une pression maximale.
Dépasser les clivages partisans
Nous souhaitons que sur ce sujet grave, où notre humanité même est en jeu, nous puissions dépasser les clivages partisans. Nous demandons donc qu’un débat public soit organisé sans délai à l’Assemblée nationale, où le gouvernement pourra présenter les actions concrètes qu’il entend adopter pour faire cesser les crimes contre l’humanité à l’encontre de la population palestinienne. Que la France soumette au Conseil européen l’adoption de sanctions à l’encontre des dirigeants israéliens responsables des crimes contre l’humanité commis à Gaza et qu’elle réitère son soutien à la Cour pénale internationale et son intention de mettre en œuvre le mandat d’arrêt délivré contre Benyamin Netanyahou.
Nous demandons que la France reconnaisse l’État palestinien et œuvre activement pour la promotion dans les enceintes multilatérales de la coexistence de deux États souverains, et qu’elle cesse toute livraison d’armes à destination d’Israël. Il en va de l’honneur de la France, mais plus encore de notre responsabilité comme Européens, continent où les crimes de l’holocauste ont été commis. Continent où nous avions dit : « Plus jamais cela. »
Lucie Castets, haute fonctionnaire et économiste
Benjamin Lucas-Lundy, député des Yvelines (Génération.s), membre du groupe d’amitié France-Palestine et vice-président du groupe d’étude à vocation internationale sur les relations avec le Saint-Siège
Chloé Ridel, députée européenne (PS), membre de la commission des droits de l’homme au Parlement européen
Clémentine Autain, députée de Seine-Saint-Denis, membre de la commission des affaires étrangères
Marine Tondelier, secrétaire nationale EELV
Ian Brossat, sénateur de Paris (PCF), membre du groupe France-Israël au Sénat
Leïla Chaibi, députée européenne (LFI)