Le Parti socialiste se réunit en congrès à Nancy. Cela fait moins événement que naguère. On peut le comprendre. Le PS revendique environ 40 000 adhérents, ce qui ne s’était pas vu depuis longtemps. Ce sont des chiffres proches de ceux des premiers temps de l’unité socialiste après 1905 ou des suites immédiates du congrès de Tours (1920), au moment de la création du nouveau parti communiste.
Certes, l’adhésion à une organisation politique, toujours limitée en France, a fortement régressé ces dernières années. Les Écologistes n’ont pas la moitié de ces effectifs, Renaissance est bien en dessous, même associé au MoDem et autres groupes centristes. La comparaison serait difficile avec La France insoumise, réseau militant plus qu’organisation politique (6 000 adhérents seulement dit-on au Parti de gauche, colonne vertébrale de l’ensemble, certes plus imposant). Il est vrai que les Républicains sont bien au-dessus, mais leurs chiffres sont gonflés par les compétitions internes, tandis que le Rassemblement national qui a souvent fait les preuves des faiblesses de son implantation militante doit se trouver en fait à peu près au même niveau que le PS, tout comme le Parti communiste d’ailleurs.
Réunir la gauche
L’influence politique nationale du Parti socialiste doit elle aussi être évaluée avec mesure. Car 66 députés, avec les apparentés, 65 sénateurs, ce n’est pas rien. Mais ils ont le plus souvent été élus grâce à des alliances, et auront besoin de les reconduire pour être réélus. L’isolement serait fatal, et tout autant de nouvelles alliances, du reste inconcevables aujourd’hui. Le PS peut surtout faire valoir le maintien de son implantation locale. À ce niveau, il constitue souvent le pivot de la gauche, à condition d’avoir compris qu’il ne pouvait plus la dominer comme autrefois.
Le socialisme municipal, mais aussi départemental et régional, a aujourd’hui besoin d’un partenariat avec les écologistes aux commandes de plusieurs très grandes villes, comme avec les communistes, très affaiblis, mais qui comptent encore 250 maires dans les communes de plus de 1 000 habitants. Tout compte fait, un bon tiers des régions, départements et grandes villes de France demeure aujourd’hui géré par la gauche.
Le premier défi que rencontre le PS est donc de réussir à maintenir et développer cet ensemble, réunir la gauche, des anciens Insoumis aux divers dissidents des uns ou des autres, jusqu’aux anciens macronistes désireux de se retirer de l’actuelle course toujours plus à droite de leur camp. Derrière ce défi un peu politicien d’aspect se joue davantage : la crédibilité d’une politique de gauche dans notre pays, avec le choix des objectifs primordiaux, des méthodes et des moyens d’y parvenir.
« Défense républicaine »
Un deuxième défi est de faire face aux difficultés spécifiques des prochaines échéances municipales. Le « bloc central » aura ses listes, tenantes de la politique qui domine aujourd’hui, dans un centre allant de plus en plus loin à droite. L’extrême droite tentera de faire réélire ses maires et de gagner de nouvelles municipalités. Limiter au maximum les ambitions de cette dernière va supposer une politique de « défense républicaine » au second tour, qui fait partie de la culture politique de la gauche et ne devrait pas poser problème.
Mais La France insoumise va tenter aussi de s’implanter localement, condition nécessaire à son maintien lors des prochaines échéances, surtout lorsque finira par se poser, demain ou après-demain, la question de son changement de candidat à la présidentielle. Les confrontations électorales sont inévitables et cela s’est passé ainsi lorsque ont émergé les écologistes face au reste de la gauche, jadis les communistes face aux socialistes et encore auparavant les socialistes sur la gauche des radicaux.
Impossible de savoir aujourd’hui si cette compétition permettra aux Insoumis de s’implanter durablement, ni quelles en seront les conséquences à terme, dans ce cas, sur son comportement et ses options politiques. En tout cas, les formations de gauche n’échapperont ni aux débats ni à quelques combats, tout en devant aussi gérer leurs lendemains.
Écouter, débattre, réfléchir
Tout cela accaparera légitimement l’attention des dirigeants comme des militants. Et pourtant, chacun sait que l’essentiel se joue autour d’un troisième défi. Le Parti socialiste doit faire plus et mieux. Présenter des candidats, faire des alliances, proposer des programmes ne suffit pas à donner envie, à susciter confiance et approbation. Il faut encore davantage écouter, débattre et réfléchir avant de parler, afin de constituer toute une atmosphère et un environnement propices à son action.
Cela se fera progressivement, par de nouveaux et anciens médias, cercles, rencontres et débats, de diverses manières, avec cette « gaieté républicaine » qu’appréciait Jaurès, espérons-le, mais de toute façon cela sera nécessaire. Il faut retrouver le sens et la saveur de la discussion civique, réussir à repolitiser le pays tout entier pour que, comme d’autres, avec ou contre eux, le PS puisse à nouveau émerger comme force de proposition et d’action.