Le rugby est un sport de combat. L’énonciation de cet aspect fondamental de la discipline froisse souvent les enthousiasmes des amateurs d’échappées belles, de spectacle aussi débridé qu’emballant. Mais quand l’enjeu en plus est énorme, c’est bien souvent ce débat des gros bras qui prend le dessus sur les folles cavalcades des lignes arrières. Et il était évidemment immense, l’enjeu de cette finale continentale franco-française samedi 22 mai à Twinckenham entre les deux Stades, Toulousain et Rochelais.
Les Toulousains visaient une cinquième étoile à leur maillot, un record depuis la création de la compétition en 1996. Les Rochelais espéraient une première ligne à leur palmarès, eux les novices à ces hauteurs-là. Ce sont les Toulousains au final qui remettent la main sur ce trophée (22-17), onze ans après leur dernière victoire, à l’expérience en quelque sorte, même si sur le pré seul l’arrière occitan Maxime Médard était lesté du souvenir de la gagne en 2010. Mais ce fut terriblement dur, terriblement âpre, dans une partie hachée menue par les fautes, les arrêts de jeu pour soigner les guerriers.
Un carton rouge fatal
Un match intense, du jeu lâché avec parcimonie, des défenses mortes de faim, étouffant toute velléité de construction. Cette finale s’est jouée en fait sur un emportement fatal, après une demi-heure en première mi-temps. Le centre fidjien de La Rochelle, Levani Botia, se laisse emporter sur un placage, son épaule heurtant en plein élan la tête de Maxime Médard. La sanction, après vérification vidéo, tombe et change le cours de la rencontre : carton rouge. À 14 contre 15, l’affaire devient extrêmement compliquée pour les Atlantiques.
Et la deuxième mi-temps vient confirmer ce qui se pressentait. Les Toulousains, tout en intelligence tactique, patientent jusqu’à trouver l’ouverture, marquer un premier essai puis prendre dix points d’avance. Les Rochelais jusqu’au bout ne baissent pas les bras, sidérant de courage, revenant même à cinq points à cinq minutes de la fin. Mais las. La vaillance ne peut pas tout, et l’équipe la plus étonnante de cette campagne européenne, victorieuse notamment en demi-finale des Irlandais du Leinster (32-23) au terme d’une partie monstrueuse, reste à quai, rêves noyés.
→ Portrait Vincent Merling, le président gardien du temple rochelais
Les Toulousains enchaînent les sacres remportés contre des équipes françaises. Si l’on excepte leur première enlevée face à Cardiff, les Rouges et Noirs l’ont emporté en 2003 contre Perpignan sur un score similaire, puis face au Stade français en 2005 et contre Biarritz en 2010.
Une belle récompense pour Ugo Mola, le stratège toulousain
Le succès de ce samedi confirme en tout cas la bonne santé du rugby hexagonal. Il offre un titre majeur à la génération dorée du Stade toulousain qui, du demi de mêlée Antoine Dupont à l’ouvreur Romain Ntamack, en passant par l’arrière Thomas Ramos, font aussi les beaux jours des Bleus. Il consacre aussi la réussite d’Ugo Mola, l’entraîneur toulousain.
Arrivé dans la ville rose en 2015 pour remplacer l’emblématique Guy Novès, l’ancien joueur est resté droit dans ses bottes pendant la tourmente des premières années, quand le Stade toulousain semblait courir en vain après son lustre d’antan. Fidèle à ses principes, privilégiant la formation et le rugby au large, Ugo Mola, avec le soutien des dirigeants, s’est imposé en enlevant le titre de champion de France en 2019, et ce trophée européen que le club chassait depuis une décennie.
À 48 ans, il devient le second entraîneur à avoir remporté la coupe d’Europe comme joueur (en 1996) et comme entraîneur. Et la fête n’est peut-être pas terminée. Toulouse est en tête du Top 14, avec une courte avance sur La Rochelle. Une revanche à venir, bientôt, en championnat de France ?