Qu’est-ce que la « Roadless Rule », révoquée par Trump pour exploiter la forêt américaine ?

La ministre de l’agriculture américaine, Brooke Rollins, en visite au Nouveau-Mexique lundi 23 juin, a annoncé l’abrogation de la « Roadless Rule », une réglementation préservant les forêts.
La ministre de l’agriculture américaine, Brooke Rollins, en visite au Nouveau-Mexique lundi 23 juin, a annoncé l’abrogation de la « Roadless Rule », une réglementation préservant les forêts. Eddie Moore / AP
La ministre de l’agriculture américaine, Brooke Rollins, en visite au Nouveau-Mexique lundi 23 juin, a annoncé l’abrogation de la « Roadless Rule ». Cette réglementation, établie en 2001 sous Bill Clinton, préservait 31 % des forêts aux États-Unis de toute construction de route et de toute exploitation forestière.

Il n’y a pas que les ressources des grands espaces canadiens que convoite Donald Trump. En visite au Nouveau-Mexique lundi 23 juin, sa ministre de l’agriculture, Brooke Rollins, s’est félicitée de voir « une fois de plus, le président Trump se débarrasser d’obstacles absurdes à une gestion de bon sens de nos ressources naturelles ». L’« obstacle » en question est une loi du début du siècle : la « Roadless Rule ».

Cette réglementation fédérale, établie en 2001 à la fin du mandat du président, Bill Clinton, interdit l’exploitation des forêts américaines encore « intactes ». Elle protège ainsi 31 % des forêts nationales, soit 237 000 km2, et donc, près de 2 % du territoire américain.

Dans ces espaces, la Roadless Rule (« réglementation des zones sans routes » en français) interdit la construction et la reconstruction de toutes nouvelles routes. Elle empêche, à quelques exceptions près, la coupe et la vente de bois, ainsi que l’exploitation minière et le forage des forêts répertoriées.

31 % de forêts « intactes »

Cette absence d’action humaine devait profiter à « plus de 220 espèces sauvages répertoriées comme menacées, en danger ou proposées par l’Endangered Species Act, soit environ 25 % de toutes les espèces animales et 13 % de toutes les espèces végétales », justifie le texte de 2001.

À l’époque, l’adoption de cette réglementation était également présentée comme une mesure d’économie de l’argent public. Elle évitait de construire toujours plus de voies routières, alors même que les forêts nationales américaines sont traversées par 621 000 kilomètres de routes – soit l’équivalent de 15 fois le tour de la terre – qui accusaient un retard d’entretien de 4,5 milliards de dollars (environ 3,8 milliards d’euros).

Saluée comme une avancée importante dans la protection des espaces sauvages des États-Unis, la Roadless Rule a été pensée pour s’appliquer en particulier sur la forêt nationale de Tongass, dans l’Alaska. Ses 69 000 kilomètres carrés en font l’une des plus grandes forêts tempérées intactes au monde et, par conséquent, un puits de carbone important pour l’Amérique.

Selon le service des forêts des États-Unis, la forêt de Tongass stocke 7 % du carbone accumulé par toutes les forêts nationales du pays. On trouve notamment, au milieu de ses conifères séculaires qui abritent plus de 400 espèces répertoriées, l’emblématique aigle à tête blanche, ainsi que plusieurs espèces d’ours et de saumons. C’est dans ce décor sauvage et symbolique que s’arrête l’épopée américaine de Christopher McCandless, héros bien réel du livre adapté en film Into the Wild.

Des ressources forestières et minières convoitées

La beauté de ce territoire est à la hauteur de ses richesses. Et ces dernières sont convoitées. En 2020, Donald Trump, lors de son premier mandat, avait déjà dérogé à la Roadless Rule en ouvrant près de quatre millions d’hectares de la forêt de Tongass à l’exploitation forestière. Joe Biden, en 2023, avait restauré ces restrictions, qui sont en passe d’être à nouveau levées aujourd’hui.

La décision a été saluée par le représentant de l’Alaska au Congrès, le républicain Nick Begich : « La Roadless Rule a longtemps freiné une gestion forestière responsable, bloqué l’accès à des ressources essentielles et limité les opportunités économiques, notamment en Alaska, où 92 % de la forêt nationale de Tongass était interdite (à l’exploitation, NDLR) », décrit-il sur X.

Au-delà des « opportunités économiques », les détracteurs de la Roadless Rule, à commencer par la ministre de l’agriculture, fustige une « règle administrative désuète » qui empêche l’entretien des forêts et notamment la coupe d’arbres « pour prévenir les incendies ». Entourée justement de pompiers lors de son allocution, Brooke Rollins tient cette réglementation responsable des mégafeux sur le continent. Elle affirme en outre que lors d’un incendie, l’absence de route, « limite l’accès de nos pompiers pour les maîtriser rapidement ».

Une analyse qui entre en contradiction avec les travaux de l’ONG environnementale The Wilderness Society. Celle-ci révèle, dans une étude examinant les données sur les incendies de forêt de 1992 à 2024, que les incendies de forêt sont, à l’inverse, plus susceptibles de démarrer dans des zones forestières traversées par des routes.

« Toute tentative d’abrogation (de la Roadless Rule, NDLR) est une attaque contre l’air et l’eau que nous respirons et buvons, contre les nombreuses possibilités de loisirs dont profitent chaque année des millions de personnes, contre les refuges de la faune et de la flore et contre les zones tampons essentielles de localités menacées par des saisons d’incendies de plus en plus sévères », a ainsi dénoncé, lundi 23 juin, Josh Hicks, le directeur des campagnes de protection à la Wilderness Society.